utores: Abartiague, William d'
Titulos: De l'origine des basques
Materias: Euskadi - Civilización
Editores: Librairie de l'Opéra, Paris, 189-?
Localizacion Sign.Topografica
FONDO DE RESERVA C-77 F-31
Les Basques sont la race mystérieuse
par excellence
ÉLISÉE RECLUS.
De l'Origine
des Basques
PAR
WILLIAM D'ABARTIAGUE
Secrétaire Général de la "Société Internationale d'Études Basques"
DIRECTEUR DU "PAYS BASQUE"
PARIS
LIBRAIRIE DE L'OPÉRA
BOULEVARD HAUSSMANN, 34
PRIX: 1 FR. 50
Le lecteur voudra bien considérer ces pages comme un aperçu rapide de l'état actuel de la question basque, aperçu no seulement incomplet, mais également sujet à critique et par conséquent à revision.
L'auteur accueillera donc avec reconnaissance toutes les communications que l'on voudra bien lui adresser sur cette étude et sur la question basque en général. Il espère pouvoir ainsi arriver à réunir tout ce qui se rattache au peuple et à la langue basques et à grouper toutes les recherches entreprises sur ce sujet.
Peut-être sera-t-il possible de résoudre enfin le problème de l'origine des Basques, la race la plus ancienne de l'Europe, la race mystérieuse par excellence.
Abartiague (Basses-Pyrénées).
De l'Origine des Basques
Les Basques sont un de ces singuliers peuples-îles qu'on rencontre à la surface du globe, entièrment différents sous tous les rapports des peuples qui les entourent, et leur langue forme, au milieu des langues aryennes, un îlot comparable à ces sommets qui émergent encore au-dessus des eaux dans un pays inondé.
Ce peuple est peut-être le seul au monde et tout au moins le seul en Europe, dont l'origine soit encore absolument inconnue. Il est étrange de penser qu'à la fin de ce XIXe siècle si fertiel en découvertes de tout genre l'origine de ce petit peuple soit encore un mystère et qu'Élisée Reclus ait pu ècrire: "Quel est donc cet ancien peuple dont les traditions célèbrent le courage indomptable et qui de nos jours encore a maintes fois donné des preuves de son héroïsme? Quelle est son origine première? Quelle est sa parenté parmi les autres populations de l'Europe et du monde' Toutes questions auxquelles il est impossible de répondre. Les Baques sont la race mystérieuse par excellence. Ils restent seuls au milieu de la foule des autre humains. On ne leur connaît point de frères."
1
IMPORTANCE ET URGENCE DE LA QUESTION
Les motifs qui ont de tout temps appelé l'attention des savants (et des tous ceux qui s'intéressent à l'origine de l'humanité et des différentes races en particulier, qui forment aujourd'hui la nation française), sur la question basque, c'est´`a´dire sur l'origine mystérieuse des Eskualdunak (c'est ainsi que se désignent les Basques), sont tout d'abord 1º l'importance de cette question, et 2º l'urgence qu'il y a à la résoudre sans tarder davantage, si l'on ne veut pas voir les difficultés rencontrées jusqu'ici devenir absolument insurmontables.
L'importance de la question ne saurait certainement être mise en doute; mais s'il fallait la prouver, une des meilleures preuves ne serait-elle pas la longue liste de tous savants, historienes, géographes, linguistes, anthropologues, etc., qui s'en sont occupés, et cela aussi bien dans les temps modernes que dans l'antiquité.
Parmi les anciens d'abord, on peut citer: Ptolémée, Solon, Hérodote, Platon, Strabon, Diodore de Sicilie, Apollonius de Rhodes, S`nèque, Pline, Pomponius Méla, Tite-Live, Plutarque, César, Polybe, Dion Cassius, etc. Puis, parmi les modernes ou les contemporains, citons sans attacher d'importance à l'ordre suivi: Bladé, le comte de Charencey, d'Abbadie, Lagneau, Élisée Reclus, Vinson, Chaho, Humboldt, Schleicher, Van Eys, O'Shea, Wentworth Webster, sir William Betham, Donnely, Mahn, Maury, Pruner bey, Dr Guilbaut, Dumont, le prince Lucien Bonaparte, Carl Vogt, de Quatrefarges, Francisque Michel, Inchauspe, Garat, Cordier, Paul Broca, Duvoisin, Bory de Saint-Vicent, etc.
Quand à l'urgence de résoudre la question, il suffit de songer que le nombre de ceux qui parlent le basque diminue de jour en jour dans de très fortes proportions. Si la langue a resisté aussi longtemps par suite du manque de communications avec les pays environnants, il n'en est plus de même aujourd'hui; elle s'altére si rapidement, que, dans la langue actuellement parlée dans le pays basque, plus de la moitié des mots, peut-être même les trois quarts, n'appartiennent pas au parler primitif. Et cependant, cette langue est à peu près la seule base certaine qui reste pour résoudre le problème de l'origine des Eskualdunak. Car les croisements, les voyages, les immigrations, etc., ont modifié la race à tel pint qu'il est presque impossible aujourd'hui de définir d'une manière certaine le type anthropologique de la race basque primitive.
II
QUELQUES OBSERVATIONS
SUR LA RACE ET LA LANGUE BASQUES
1º Leur profonde altération.
Mais d'abord, que doit-on appeler la race basque? Que doit-on appler la langue basque?
On ne peut qualifier ainsi ni tous les mots actuellement employés dans le langage parlé, ni tous les individus qui habitent ou même qui sont nés sur le territoire qui constitue le pays basque d'aujourd'hui. On emploie très souvent ce terme sans lui attacher une signification bien précise, et c'est peut-être une des causes qui ont conduit tant de savants si dinstingués à formuler sur ce sujet des opinions aussi contradictoires que celles qui ont été émises et qui étonnet toujours ceux qui se livrent pour la première fois à l'étude de la question.
Sans aller, en effet, jusqu'à mettre en doute l'existence d'une race basque et à se demander, comme on l'a fait, si les basques appartiennent à une souche commune parce qu'ils ne se ressemblent guère entre eux et qu'il est bien difficile de définir aujourd'hui le type basque, il est très certain que la race a subi de profondes altérations, et cela en raison même de sa très haute antiquité.
Les faits abondent qui prouvent l'introduction constante, dans les temps préhistoriques, d'éléments étrangers et, à des époques plus récentes, le passage d'un grand nombre de peuples tels que les Celtes, les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Germains, les Sarrasins, etc.,; aussi ne devrait-on pas donner une trop grande importance aux mensurations opérées sur des crânes d'une époque moderne, à plus forte raison sur des Basques vivants.
Si l'on voulait essayer aujourd'hui de retrouver le type basque primitif, ce serait, en tous cas, dans les coins perdus des montagnes, dans les vallées reculées, au pied des hautes cimes qu'il faudrait le chercher, et no point, comme on l'a fait trop souvent, le long des grandes voies de communication et dans les plaines qui avoisinent les villes de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, où, depuis longtemps, l'élément basque n'est plus qu'une minorité elle-même très altérée.
Sans vouloir confondre dans des recherches de ce genre la question de race avec la question de langue, il est certain que la langue basque actuelle n'est également plus du tout ce qu'était l'"eskuara" primitif.
Il est d'ailleurs assez naturel qu'une race et une langue aussi anciennes (puisque enfin elles sont antérieures à l'histoire écrite de l'Europe) aient subi de profondes altérations; c'est cependant parce que ce point de vue n'a pas été pris en considération que l'on rencontre tant d'opinions contradictoires, et c'est pourquoi, avant d'aller plus loin, il était nécessaire d'appeler l'attention sur ce point.
2º Le nombre des Basques. - Le pays Basque
Ce peuple, au sujet duquel on s'est livré à tant de recherches, n'occupe aujourd'hui, qu'ell qu'ait pu être autrefois son importance, qu'une étendue des plus restreintes et qui tend de jour en jour à diminuer.
D'une manière approximative, les Basques français occupent le territoire compris entre l'Océan Atlantique, les Pyrénées, jusqu'au pic d'Anie, et une ligne partant du pic d'Anie et se dirigeant, à peu près parallèlement, au gave d'Oloron, laissant, dans le pay basque, Tardets, Mauléon et Saint-Palais, et, dans le Béarn, Navarrenx, Oloron et Sauveterre; ils occupent ainsi tout l'arrondissement de Mauléon, la plus grande partie de celui de Bayonne et une commune seulement de celui d'Oloron, formant une population de 120.000 individus environ.
Le pays basque espagnol ets à peu près limité par les Pyrénées et l'Océan Atlantique, jusqu'à Bilbao; là, la ligne de démarcation se dirige vers l'Est, passant au Nord de Pampelune pour rejoindre le pic d'Anie; leur territoire comprend donc la presque totalité du Guipuzcoa, la plus grande partie de la Biscaye et une très faible partie des provinces d'Alava et de Navarre; leur nombre est d'environ 30.000.
En laissant de côté les Basques émigrés (dont le nombre ets t'ailleurs assez considérable, principalement dans l'Amérique du Sud, le Chili et la République Argentine, dnas le Mexique et la Californie, mais dont le type est excessivement altéré), on peut dire qu'il ne reste plus guère aujourd'hui de cette antique race qu'un demi-million environ de représentants. Ce nombre lui-même diminue rapidement; au midi, en effet, la langue espagnole fait de rapides progrés, et si, au nord, la langue basque a mieux résisté jusqu'ici, c'est parce qu'ell n'était en contact qu'avec le béarnais, c'est-à-dire un patois, tandis qu'aujourd'hui la langue française elle-même pénètre, par la vallée de la Nive, jusqu'en plein coeur du pays basque.
On ne peut parler des Basques et surtout du pays basque sans songer à ce tableau si charmant et en même si exact que M. O'Shea, le poète délicat, a fait de sa patrie d'adoption.
"C'est une contrée d'une charme étrange, d'une grâce intime etout humaine: ici jaillissent des bouquets de collines aux bois touffus qui en voilent les sommets, là, les coteaux s'arrondissent mollement ou bien se creusent, s'évient avec une grâce infinie, comme le bord d'une coupe, et déversent jusqu'au fond des vallées des torrents de verdure qu'empurpre la bruyère, que dorent des genêts. De jolies petites prairies sont encadrées de haies fleuires; à l'herbe épaisse et douce comme une fourrure du Nord. les vallées sont des mers toutes vertes où émergent quelques îlots de culture; des champs de maïs aux quenouilles satinées gonlfées de fils soyeux; des champs de froment, des linières dont l'air agite gracieusement des clochettes de gaze bleue. Au fond des gorges étroites, sur des lits de cailloux bleus et roses, courent pretement les petites rivières basques remplissant l'air de frais éclats de rire, emportant dans leurs robes diaphanes des truites fines et dorées comme des couteaux catalanas, Ici l'eau bleue s'étale immobile et tiède dans de jolis vasques de rochers moussus; plus loin, elle glisse, bondit, fuit entre les hautes parois de schistes, luisantes comme des miroirs bruns que peignent la bruyère rose, la bleue gentiane, le géranium sauvage, que plaquent çà et là des fougères fines et délicates comme du verre filé...
"Dans les cimetières basques, les fleurs foisonnet autour des tombes, les larges mauves orses, les glaîeuls rouges, les lis blancs et les lis jaunes et le long des murs, les roses trémières qui lancent dans l'air leurs larges ties enrubannées. On dirait que dans le parfum des fleurs on veut respirer l'âme des êtres aimés. Tout est doux dans ce pays, jusqu'aux choses tristes...
"L'âme de la contrée est la lumière et c'est l'été qu'a lieu sa fête éblouissante...
"C'est un gracieux aspect que celui des villages basques, placés en reliefe au faite des mamelons, comme un campement, ou déroulant à mi-côte d'une colline, entre des bouquets de chênes ou de châtaigniers, le long chapelet de leurs blanches maisons couronnées de gaies toitures en tuiles rouges et sur les façades desquelles s'étend un réseau de poutrelles peintes en jaune, en brun, en vert...
"Le Basque n'aime pas les foules. Les entassements humains dans ces carrières de pierres qu'on appelle des villes, répugnent à ses moeurs sérieuses, solitaires, réservées, familiales. L'agglomération est chez lui toujuours un accident, quinze ou vingt maisons séparées constituent un quartier. Les maisons basques sont beaucoup plus que des choses; ce sont presque des personnes, munies de droits, ayant un état civil inscrit au-dessus de la porte et qui, au lieu de recevoir leur nom du propiétaire, lui donnet le leur. C'est Jean de telle ou telle maison, Jean d'Elissabide, etc. (sur le chemin de l'eglise) ou Mari d'Ithurralde (à côté de la fontaine)..."
III
DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES
CONCERNANT L'ORIGINE DES BASQUES
Il n'y a point lieu de s'attarder davantage ici sur la description du pays et de ses habitants, dont les moeurs primitives sont cependant des plus curieuses et des plus intéressantes.
L'origine des Basques a donné naissance à un nombre considérable de théories et d'hypothèses: il semble même qu'on ait pris plaisir à leur attribuer les origines les plus diverses qu'il fut possible d'imaginer.
Cette diversité tient probablement à ce que les linguistes et les anthropologistes en particulier ont attribué au peuple tout entier et à la langue primitive des caractères qui n'apartiennent qu'à une fraction de la race ou de la langue altérées, ainsi qu'il a été déjà dit, au pont que l'élément étranger se trouve être beaucoup plus important que l'élément indigène primitif.
M. Wentworth Webster, un modeste autant que savant euskarisant, qui a composé un charmant recueil de légendes locales, m'écrivait que, d'après luis, 80% des mots actuelement emplyés dans la langue courante avaient été empruntés aux idiomes des nombreuses races avec les quelles les Basques ont été en contact. Même en n'admettant qu'une proportion un peu moins élevée, on comprendra aisément combien sont difficiles et délicates les recherches qui s'appuient purement sur la linguistique.
Malgré une extrême diversité d'opinions, on admet cependant d'une manière assez générale que les Basques ou du moins l'élément basque de la race, sont les descendants des Ibères, les anciens habitants de l'Espagne. mias c'est lorsqu'il s'agit de déterminer l'origine des Ibéres qu'apparaissent les opinions les plus divergentes.
1º Parenté avec les Ibères du Caucase.-Certains historiens de l'antiquité, entre autres saint Jérôme, Dionysius Afer et Strabon, et, parmi les modernes, Michelet et de Brotonne, voyaient une parenté entre les Ibères d'Espagen et ceux du Caucase. Cependant ils n'en ont pas conclu que les uns fussent les descendants des autres.Tout en admettant d'ailleurs cette parenté, il ne s'ensuit pas que le Caucase soit le pays d'origine des Ibères d'Espagne; le contraire peut se soutenir tout aussi bien, et certainement avec plus de vraisemblance et de probabilité, comme nous le verrons plus tard.
2º Influence aryenne ou sémitique.-Quelques savants se basant sur l'étymologie et rapprochant des mots pris dans le vocabulaire basque actuel des vocabulaires aryens ou sémitiques, ont conclu à une origine sémitique ou aryene de la langue basque tout entière et de la race basque elle-même.
Le docteur Pruner bey, en ce qui concerne les apports que la langue sémitique a faits à la langue basque, se contente de dire -et je suis heureux de me trouver tout à fait d'accord avec une aussi haute autorité- que les Sémites ont exercé sur les anêtres des Eskualdunak une très grande influence.
3º Affinités avec les langues finnoises et ouralo-altaîques.-Il en est de même pour ce qui concerne les langues finnoises et ouralo-altaîques. Entre le basque et ces langues, M. d'Abbadie, dans ses Prolégomènes des études grammaticales sur la langue euskarienne, le prince Lucien Bonaparte, dans son livre sur la langue basque et les langues finnoises, et le comte de Charencey, dans sa brochure, la Langue basque et les idiomes de l'Oural, ont relevé de très intéressantes affinités.
Sans contester aucunement des relations qui me semblent, au contraire, parfaitement établies, il ne s'ensuit pas nécessairement que les Basques descendent des Sémites ou des Finnois, pas plus que des peuples aryens ou ouraloaltaîques;
4º Je ne fais que citer pour mémoire l'opinion de l'historie Josèphe, à laquelle je regrette de voir se rallier le chanoine Inchauspe, mon éminent compatriote; d'après ces écrivains, les Basques descendraient de Tubal, fils de Japhet, ou de son fils ou de son neveu Tarsis;
5º Origine africaine.-Des savantas de grande compétence, entre autres le docteur Paul Broca et M. Boudard, ont sutenu que les Basques étaient venus de l'Afrique.
Cette hypothèse est tout a fait admissible, surtout si l'on considère l'Afrique comme la contrée par laquelle ils ont passé pour venir de leur pays d'origine et non comme le pays d'origine lus-même; il ne faut d'ailleurs entendre par Afrique que l'extrémité nord-est de ce continet qui, lorsque le Sahara était couvert par les eaux, se rattachait à la péninsule hispanique. M. Boudard pense d'ailleurs que le continent africain n'était pas la patrie originaire de la race basque.
Signalons, en passant, combien il serait intéressant d'étudier, au point de vue de leurs rapports avec les Basques modernes, les Guanches de Madère, les populations berbères du nord de l'Afrique, les Libyens et les prédécesseurs des Égyptiens en Égypte.
6º Analogie avec les peuplades américaines.-L'hypothèse la plus importante, parmi celles qui ont été présentées jusqu'à présent relativement à l'origine des Basques, est celle qui les rattache aux populations arborigènes du noveau monde.
Avant d'exposer les preuves de cette parenté, n'est-ce pas déjà beaucoup que de voir parmi ceux qui l'ont soutenue ou qui tout au moins l'ont reconnue comme très probable, des noms tels que Humboldt, Pruner bey, Carl Vogt, Alfred Maury, d'Abbadie, de Charencey, Mahn et Schleicher?
Les bases sur lesquelles cette hypothèse a été établie sont de plusieurs natures: les unes sont tirées de l'archéologie préhistorique et de la zoologie; les autres, de la linguistique et de la philoogie; ce sont: les caractères fondamentaux de la langue, tels que le principe euphonique, la pénurie en expressions abstraites jointe à l'extrême richesse des désignations concrètes, le mode même de formation des mots, les différentes modifications que subissent les substantifs et les verbes, c'est-à-dire la déclinaison et la conjugaison, le système de numèration et enfin des analogies particulières très nombreuses.
A)Principe euphonique.-La langue basque se distingue par une harmonie de vocalisation qui s'oppose au concours d'un grand nombre de consonnes. De même, les langues amèricaines répugnent à toute liaison directe de consonnes muettes et de lliquides. Comme à la langue basque, la letre j manque à la plupart des langues américaines, et en particulier aux langues canadiennes. M. de Charencey a obseré une ressemblance phonétique des plus étroites, qui se manifeste spécialement par les pronoms et surtout par les pronoms personnels, c'est-à-dire par la partie du discours la plus immuable, celle qui résiste le plus à l'action du temps et du mélange des races.
B)Pénurie en expressions abstraites et générales.-Les langues américaines, ainsi que le basque (quoi qu'on en puisse dire), sont très pauvres en expressions abstraites et générales.
M. Vinson, qui cependant ne conclut pas à la parenté, reconnaît cette analogie. Il est assez curieux, par exemple, que le basque, qui possède, pour désigner toutes les espèces et même toutes les variétés d'arbres et d'oiseaux, le vocabulaire le plus complet peut-être qui existe, n'a pas de mots (je parle, bien entendu, de mots basques et non de mots empruntés à d'autres langues) pour désigner d'une manière génèrale, ou, pour mieux dire, générique, les mots d'arbre u d'oiseau.
C) Richesse en expressions concrètes.-Les deux groupes de langues possèdent, au contraire, une grande richesse d'expressions pour exprimer les nuances les plus délicates. Astarloa évaluait à plus de quatre millards le nombre de mots basques, et cela en ne comptant que les mots n'ayant pas plus de trois syllabes; même en faisant une grande part à l'exageration naturelle à cet auteur, on peut nèanmois affirmer que la langue basque a un vocabulaire excessivement riche.
Les langues américaines possèdent un gran nombre de termes pour exprimer les degrés les plus minutieux de la parenté; ils varient non seulement suivant le sexe de la personne dont on parle, mais également suivant le sexe de la personne qui parle. Dans le basque actuel, une grande partie de ces expressions n'est plus usitée; néanmoins, on distingue encore, comme dans les langues canadiennes, par exemple, entre la soeur d'un homme et la soeur d'une femme; un homme dit arreba et une femme ahizpa en parlant de sa soeur. Cette particularité assez curieuse met ces deux groupes de langues tout à fait à part des autres.
D)Formation des mots.-Les langues basque et américaines emploient le même procédé de composition de mots, le procédé para élimination.
Le basque supprime souvent des syllabes entières en composant; il ne conserve même quelquefois qu'une seule lettre des mots composants. Il en est de même dans les langues américaines. Voici deux exemples assez frappants pris dans la langue des Delaware; Pilape, jeune homme, est composé de pilsit (chaste, innocent) et de Ienape (homme); kouligatshis (appellation affectueuse envers de jeunes quadrupèdes) se compose de k(tu, toi); woulit, joli (comparez en passant avec le basque pulit [prononcez poulit], même signification); wicghat (la jambe) et la terminaison diminutive shi (cf. le basque chi, même signification), le mot est ainsi: toi, la jolie petite patte.
Mentionnons aussi le curieux procédé d'encapsulation en vertu duquel le mot principal s'entrouve, pour ainsi dire, de manière que l'on puisse lui intercaler un terme régi.
E)Déclinaison et conjugaison.-On peut dire la déclinaison ou tout au moins ce qu l'on entend généralement par ce mot n'existe pas dansles langues américaines; en effet, les particules suffixes sont innombrables et ne constituent plus, à proprement parler, une déclinaison. Il en est de même du basque, où, bien qu'il n'y ait pas de préposition proprement dite, le substantif est nuancé pour ainsi dire par un très grand nombre de désinences; on en trouve, par exemple, qui expriment en même temps que le mouvement, la volonté de demeurer dans le lieu où l'on va ou celle de le quitter. Les langues du nouveau monde arrivent au même but par de longues séries d'affixe qui exprimen toutes les nuances de l'action. C'est surtout avec le quichua ou kichua, la langues des aborigénes du Pérou, que, sous ce rapport, le basque offre le plus d'analogies, ainsi que l'a constaté M. d'Abbadie, le plus érudit certainement des basques euskarisants.
Il est intéressant de rapprocher de ce fait la tradition qui veut que les Incas, qui apportèrent la langue quichua au Pérou et qui (comme probablement les Basques primitifs) étaient blonds, venaient du pays du Soleil, c'est-à-dire de l'Est, du rivage de l'océan Atlantique. Nous verrons plus tard comment cette tradition concorde parfaitement avec l'hypothèse que je désire présenter sur l'origine des Basques.
C'est dans le verbe surtout que les analogies sont les plus frappants; malheuresement, la question de la conjugaison basque est beaucoup trop complexe pour pouvoir être traitée, même en résumé, dans les limites de cette étude.
f)Numération.-De même que chez les Algonquins, le système de numération basque acutel repose en grande partie sur le systéme vigésimal. D'autre part, tout porte à croire, et, en particulier, les désinences des unités à partir de six, qu'à l'origine de la numération basque -comme l'ont fait remarquer le comte de Charencey et le docteur Pruner bey- reposait sur le système quinaire. Or les systèmes quinaire et vigésimal sont les plus répandus en Amérique et dans les dialectes algiques en particulier, les termes numéraux de six à neufs inclusivement dérivent visiblement des unités inférieures.
G)Archéologi.-L'archeologie préhistorique fournit de nombreuses preuves de la parenté des anciennes populations de l'Amérique et de ceux de la péninsule hispanique.
Dans son ouvrage sur les poteries primitives, instruments en os et silex taillés des cavernes de la Vieille-Castille, M. Louis Lartet fait remarquer combien sont frappants les rapports que présentent les habitants primitifs de la Cueva-Lobrega, soit dans la fabrication de poteries, soit dans d'autres détails de fabrication grossière, avec les anciennes tribus éteintes des bords de l'Ohio, ces mounds-builders auxquels le bronze et le fer étaient également inconnus et dont on retrouve des produits céramiques d'un caractère analogue dans les cavernes et les tumuli de l'Amérique septentrionale.
M. Gourguignat a également découvert de frappantes analogies entre les monuments symboliques de l'Algérie et ceux de l'Amérique septentrionale.
1º Sur la rive droite du Nahr-Ouasset, cinq tumuli groupés intentionnellement en forme d'homme et figurant la tête, les bras, les jambes et le ventre, sont absolument semblables à deux tumuli existant en Amérique: l'un sur les bords de la riviére du Wisconsin et l'autre près du mont Moriah;
2º Su le grand plateau de Narh-Ouassel, un grand monument en forme de scorpion, avec l'indication des pinces, du corps, des pattes et de la queue, est l'analogue de deux monuments qui se trouvent en Amérique: l'un près de Grandville, dans l'Ohio, et l'autre dans le Wisconsin;
3º Enfin sur le kef'-ir'-oud, on rencontre un monument en forme de serpent dont l'analogue se trouve en Amérique, dans l'Etat de l'Ohio, sur une colline voisine de la rivière Brush-Creek.
H)Zoologie.-La zoologie fournit également de nombreuses preuves de relations ayant exité autrefois entre l'ancien et le nouveau monde.
M. Bourguignat termine sa Malacologie de l'Algérie par les conclusions suviantes:
"1º Au commencement de la période actuelle, le nord de l'Afrique était une presqu'île dépendante de l'Espagne;
"2º A cette époque, le détroit de Gibraltar n'existait pas;
"3º La Méditerranée communiquait à l'Océan par le grand désert du Sahara, qui était alors une vaste mer."
Il pense aussi:
"1º Qu'au commencement de la période actuelle, les archipels de Madère et des Canaries devaient former deux grandes terres séparées et non jointes au continent africain, puisque chaque archipel possède un centre de création distinct et particulier;
"2º Qu'à une époque relativement récente, ces deux grandes îles se sont affaissées et qu'il n'est resté que les pitons de ces montagnes qui forment actuellement les îles de chacun des archipiels;
3º Que les affaissements de ces deux grandes îles ont eu lieu lors du soulèvement du premier système volcanique de la mer saharienne, qu'à cette époque il s'est produit ce qui se manifeste dnas tout soulèvement, un mouvement de bascule: la partie centrale du Sahara se soulevait pendant que, sur l'océan Atlantique, se produisait un mouvement contraire, un affaissement. La preuve incontestable de ce fait, c'est que, dans chaque archipel, les faunes de chacun des pitons de montagnes sont identiques entre elles;
"4º Que, par conséquent, ni Madère, ni les Canaries n'ont jamais été (depuis l'époque actuelle, bien entendu) réunis au continent africain, pas plus qu'aux îles Açores, attendu que ces îles, seuls vestiges de la fameuse Atlantide, possèdent également une faune spéciale, peu variée, à types non insulaires, mais continentaux, ce qui indique que ces îles, comme Fayal, Pico, Terceira, Graciosa, San-Miguel, Santa-Maria, etc., sont les derniers témoins de cette innmense île qui occupait toute la parti médiane de l'Atlantique."
Ainsi, donc, non seulement les principes fondamentaux de la langue, mais aussi l'archéologie, la malacologie et la zoologie apportent des témoignages nombreux et importants en faveur de la parenté des Basques avec les peuples aborigènes du nouveau monde.
Pour résumer otutes les hypothèses émises au sujet de l'origine des Basques, nous voyons, d'une parte, que les probabilités de leur parenté avec les peuples de l'Amérique et du nord de l'Afrique sont sérieusement établies, d'autre part, que les races aryennes et sémitiques ont eu une assez grande infuence sur eux, et qu'il est possible que les Finnois et les peuples ouraloaltaîques, ainsi que les Ibères du Caucase, ont la même origine que les Basques.
Nous allons voir maintenant si ces différentes hypothèses peuvent s'accorder avec celle que les recherches que j'ai faites m'ont porté à considérer, sinon comme certaine, au moins comme très probable.
IV
HYPOTHÈSE DE L'ORIGINE ATLANTIQUE
Quoi qu'il en soit de l'origine des Basques, il est, ainsi que le dit le docteur Broca, impossible d'admettre même pour un seul instant qu'une langue si riche et si complexe ait pu naître, se développer, se ramifier, puis dépérir et perdre tous ses rameaux à l'exception d'un seul, tout cela dans le petit district montagneux qu'occupe aujourd'hui le peuple basque dnas une région ayant tout au plus 150 kilomètres dans sa plus grande longueur sur une largeur de moins 80 kilomètres.
Quand bien mème il serait prouvé (ce qui n'est pas) que la langue basque, l'eskuara, n'ait pas laissé de traces en dehors du pays basque, on ne pourrait pas en conclure qu'elle a toujours été cantonnée dans ce petit territoire, attendu au'une langue ne laisse pas nécessairement et indéfiniment des empreintes dans les lieux où elle a régné.
Lorsq'une espèce animal ou végétale vient à s'éteindre, il en reste dans le sol des vestiges matériels qui peuvent échapper à la destruction pendant un temps illimité ou tout au moins très considérable. Mais une langue, surtout lorsqu'elle n'a pas de monument écrit, et même, dans ce cas, très rare pour des langues d'une si grande antiquité que l'eskuara, ne laisse pas après elle de semblables témoins. Et quand il arrive (ainsi que cela arrive presque toujours) que la langue des peuples qui ont remplacé dans un de ces grands mouvements d'émigration des temps préhistoriques les populations antérieures est supplantée à son tour par une troisième, et ainsi de suite, que peut-il rester de la langue des premiers habitants, sinon quelques vestiges presque impossibles à reconnaìtre dans la multitude des apports faits par les émigrations successives? apports si nombreux dans la langue basque actuelle que, comme nous l'avons vu plus haut, près des trois quarts sont d'origine étrangère.
Il ne faut pas déduir de la dificulté qu'il y a à retrouver ailleurs que dans le pays basque des vestiges des langues euskariennes que celles-ci n'ont pas occupé une aire géographique bien plus étendue que celle du pays basque actuel. Le contraire est de toute évidence; mais la question est précisement de rechercher quelle fut autrefois l'extension de la langue basque et de ses congénères.
Si les peuplades de l'Amérique, avec lesquelles nous venons de voir que les Basques ont de si nombreux liens de parenté, n'étaient pas séparées de ces derniers par une aussi grande étendue d'eau, personne certainement ne mettrait en doute leur communauté d'origine. Examinons donc si cet océan Atlantique, qui les sépae aujourd'hui, a toujours été ce qu'il est aujourd'hui: un obstacle insurmontable.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, M. Bourguignat admettait déjà, au nom de lamalacologie, l'existence de l'Atlantide, qu'acceptent d'ailleurs aujourd'hui la plupar de géologues et de botanistes.
Mais voyons d'abord ce que la tradition et l'histoire nous enseignent sur ce sujet et nous verrons ensuite si la science s'accorde avec ce que nous appelons souvent, avec trop de dédain, des légendes.
D'après la tradition égyptienne, qu'un prête de Saïs confia à Solon, l'Atlantide était plus grande que l'Asie et l'Afrique; elle avait été submergée par des tremblements de terre et, à sa place, on ne rencontrait plus qu'un limon qui arrêtait les voyageurs et rendait la mer impraticable.
Diodore de Sicilie faisait des Atlantes le peuple le plus civilisé de l'Afrique et les plaçait dans un pays opulent, sur les rives de l'Océan, plein de grandes villas, près de la grande île Hespéride, no loin de l'Atlas, au couchant de la Tritonide, grand lac qui aurait été réuni à la mer par la rupture du terrain qui l'en séparait.
Pomponius Méla disait qu'au delà d'un désert immense tout à fait inhabitable, se trouvaient, en allant de l'Orient vers l'Occident, tout d'abord les Garamantes, ensuite les Augiles et les Troglodytes, puis les Atlantes qui étaient les derniers.
"Il y avait, disait Platon, au delà du détroit que vous applez les colonnes d'Hercule, une île plus grande que la Libye et l'Asie. De cette île on pouvait facilement passer aux autres îles et de celes-ci à tout un continent. Les rois de l'Atlantide avaient sous leur domination l'île entière, ainsi que plusieurs autres îles et quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, ils régnaient encore sur la Libye jusqu'à l'Egypte, et, sur l'Europe, jusqu'à la Tyrrhénie. Cette Atlantide disparut sous la mer; ausi depuis ce temps, la mer est devenue inaccessible et a cessé d'être navigable."
La science moderne, de son côté, a confirmé un grand nombre de faits avancés par les Anciens et en particulier par Platon:
1º Ce dernier représentait la configuration géograpique de l'Atlantide comme une grande île aux bords très escarpés, dont la partie centrale était un grand plateau entouré lui-même de hautes montagnes.
Les profils des sondages opérés dans l'océan Atlantique, en particulier par l'équpage du Challenger, représentent exactement la configuration des terrains indiqués par Platon.
2º Il parlait longuement d'un fruit très abondant dans l'Atlantide, ayant une écorce dure, procurant le boire, le manger et des onguents.
La description de ce fruit rappelle tout à fait celle de la noix de coco.
3º Il insistait sur le nombre considérable des sources d'eau chaude.
Nous savons que les sources chaudes sont toujours très nombreuses dans les contrées sujettes aus convulsions volcaniques.
4º Ce qu'il disait des conséquences de la disparition de l'Atlantide et de la boue qui en résulta, empêchant toute navigation dans ces parages, se rapporte très exactement à la description que faisaient de l'océan Atlantique, de "la grande mer Ténebreuse", les voyageurs et les géographes antérieurs à Christophe Colomb et explique comment il se fait que les hardis navigateurs, depuis longtemps, avaient doublé le cap de Bonne-Espérance et découert les Indes orientales, n'avaient pas réussi à traverser l'Atlantique avant la fin du Xve siècle.
5º Platon disait que l'empire des Atlantes s'étendait jusqu'à la Libye.
Dernièrement le Révérend Wentworth Webster m'écrivait qu'il avait constaté une grande ressemblance entre les Basques et les habitants blonds de la Lybie représentés sur les anciens monuments de l'Égypte.
Il y a quelque temps, le professeur Flinders Petrie rendant compte á la Société royale d'Édimbourg des découvertes auxquelles avaient donné lieu ses fouilles dans la région située á une cinquantaine de kilomètres au nord de Thèbes, exposait que, près de l'emplacement de l'ancienne ville de Nubt, il avait mis au jour les ruines d'une autre ville et d'un cimetière comprenant deux mille tombeaux, dans lesquels il n'y avait pas un seul objet d'origine égyptienne, pas un seul cadavre momifié selon la méthode égyptienne. Il concluait qu'il s'était trouvé en présence de vestiges d'une race entiérement distincte de la race égyptienne, qui vécut probablement entre les VIIe et IXe dynasties (soit environ 3.000 ans avant l'ére chrétienne) et qui contribua à précipiter la ruine de la civilisation égyptienne.
On voit combien la science moderne a confirmé les récits des anciens et en particulier de Platon.
M. Starke Gardner, l'éminent géolgue, émettait l'avis dans la Popular Science Review (juillet 1878) que, dans la période éocène, l'Angleterre s'étendait à une grande distance à l'ouest des Cornouailles qui, ainsi que les îles Scilly et même l'Irlande et la Grande-Bretagne, ne sont, d'après lui, que les restes d'un grand continent aujourd'hui disparu sous les eaux. D'ailleurs, le mouvement ou plutôt la série de mouvements qui détruisirent l'Atlantide n'a pas cessé de se produire; la côte du Groënland, qui peut être considérée comme l'extremité nord du continent disparu, continue à s'abaisser et cela si rapidement que d'anciens monuments bâtis sur ces îles et les rochers de la côte sont aujourd'hui submergés et que l'expérience a appris aux Groënlandais à ne jamais bâtir sur le rivage.
Le même mouvement se fait d'ailleurs également sentir, quoique avec moins d'intensité, sur le rivage français de l'Atlantique, et plus particulièrement peut-être qu'ailleurs dans les Landes, où l'affaissement continu du littoral ne peut être mis en doute.
Des mesures exactes, pratiquées de 1818 a 1846, prouvent que, durante cet espace de moins de trente années, la pointe de Grave a reculé de 720 mètres ver le sud-est et de nombreux villages, dont les chroniques nous conservent les noms, ont été engloutis par les flots de l'Océan.
La flore et la faune comparées de l'Amérique et de l'Europe fournissent également un grand nombre de preuves de la communication terrestre ininterrompue qui a dû exister autrefois entre les deux continents. Lorsque l'on compare les animaux et les plantes de l'ancien et du nouveau monde, on ne peut pas ne pas être frappé de leur identité: tous ou presque tous appartiennent aux mêmes genres et même certaines espèces leur sont communes. Ce fait est très important, parce qu'il prouve l'existence d'une source commune postérieure à la période glaciale. Le mammouth, le rhinocéros, l'élan irlandaise, le boeuf musqué, le renne, le gouton, etc., étaient contemporains et leurs restes se retrouven toujours dans les dépôts post-glaciaux de l'Europe jusqu'au midi de la France. Dans le nouveau monde, des couches de la même époque contiennent des restes semblables indiquant qu'ils proviednent d'un cnetre commun d'où ils se répandirent dans les deux continents.
Ainsi que l'a fait remarquer M. de Lapparent, aucune chaîne de montagnes dignes de ce nom ne borde les rivages atlantiques. En plus d'un point la constitution géologique du sous-sol se correspond d'un bord à l'autre de l'Océan, qui apparaît alors comme une tranchée ouverte à travers un territoire autrefois continu. Or, pour nous borner à la partie septentrionale de l'Atlantique, il est certain que l'ouverture de la tranchée n'es pas d'ancienne date. Vers la fin de l'époque secondaire, les mêmes familles rudistes qui peuplaient la Méditerranée européenne florissaient également aux Antilles et au Texas. Comme il ne s'agit ps là d'animaux nageurs, mais au contraire d'espèces fixées sur le fond, il ne paraît pas possible d'expliquer cette identité autrement que par l'existence d'une jonction entre l'Europe et l'Amérique, jonction qui pouvait se faire, ou par un rivage continu ou par une chaîne d'îles suffisamment rapprochées. Encore, dans ce dernier cas, eût-il fallu que les canaux existant d'une île à l'autre fussent étroits et peu profonds, car autrement les eaux boréales seraient venues se mélanger avec celles du Midi et le caractère nettement tropical des faunes marines de l'époque eut été incapable de se mantenir.
Les conclusions déduites de la distribution des végétaux terrestres ne sont pas moins formelles que les aruguments titrés des animaux marins, comme on pourra le juger d'après les faits suivants. Il existe aujourd'hui, en Europe comme en Amérique, des espèces soeurs souvent presque identiques, qui ont dû avoir pour premier habitat une terre boréale communiquant à la fois avec les deux continents. Le sequoia, maintenant relégué sur un seul district de la Californie, a peuplé l'Europe à l'époque tertiaire. On en trouve des débris à Manosque, dans un terrain d'âge tertiaire moyen, et ses caractères y sont identiques avec ceux du sequoia californien. Le même gisement a donné à M. de Saporta un nelumbium pareil au N. luteum, espèce qui, de nos jours, est exclusivement américaine. Mais l'argument le plus décisif est celui que fournissent les restes de palmiers du genre Sabal, aujourd'hui cantonné dans la seule Amérique. Les plus anciens représentants de ce genre se montrent dans les dépôts lacustres du tertiaire inférieur de l'Angleterre méridionale et de l'Anjou. Puis, lors du tertiarie moyen, on les voit s'avancer vers le sud comme vers l'est jusqu'à ce que, à l'époque dite miocène inférieur, c'est-à-dire avant le grand soulèvement des Alpes, ils prospèrent dans le tertiarie inférieur d'Angleterre; c'est de là qui'il s'est graduellement propagé vers le sud et l'est.
Ajoutons que la constitution du sol est la même dans le bassin du Saint-Laurent qu'en Écosse, en Scandinavie et au Groënland; ces contrées sont incontestablement des fragments d'un ancien territoire homogène, et la continuité primitive de ces terres ne peut pas faire de doute.
Ainsi donc, non seulement les récits des Anciens, mais également les résultats des travaux des savants contemporains et des plus éminents, la botanique confirmant les données de la géologie, plaident en faveur de cet antique continent qui unissait l'Amérique avec l'Europe.
Si, à côté des faits qui ont amené à considérer comme certaine l'existence antérieure de cette terre, nous rapprochons les nombreuses preuves de parenté entre les peuples aborigènes de l'Amérique et le peuple basque primitif, ne semble-t-il pas que l'on puisse admettre que c'est de ce continent que les Eskualdunak sont venus dans le pays qu'il habitent aujourd'hui?
L'origine des Basques est toujours mystérieuse; mais ceux qui s'intéressent à ces questions auront peut être trouvé quelque intérêt à lire ces lignes et d'éminents euskarisants paraissent aujourd'hui admettre l'hypothèse de l'origine atlantique.
Il y aurait en tout cas intérêt et urgence à essayer de résoudre cette question avant que les difficultés qui s'augmentent de jour en jour deviennent insurmontables.Car, ainsi que le disait Garat, les tempo sont venus où les Basques doivent finir. Leur physionomie primitive, que les siècles avait respectée et que la civilisation moderne n'a pas encore profondément altérée, s'efface progressivement désormais et devient insaisissable. Ils ont perdu l'autonomie dont ils étaient si fiers; ils sont de plus en plus irrésistiblement emportés dans le courant des peuples de la France et de l'Espagne; avec ces deux nationalités, ils doivent se perdre et se confondre au fleuve unique que doit former un jour l'humanité.